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Le centre d’artistes TOPO et l’organisme multidisciplinaire LatinArte s’unissent pour mettre sur pied INTER@MÉRIQUES, un programme d’accompagnement vers les arts numériques pour les artistes professionnel.le.s issu.e.s de la pluralité culturelle des Amériques.

À travers des activités de formation, de mentorat et de documentation des pratiques et des apprentissages, il s’agit d’accompagner une cohorte d’artistes dans leur cheminement vers la réalisation de projets incorporant une dimension numérique. Le programme est conçu comme un parcours sur plusieurs mois, de janvier à septembre 2019. Le cycle d’activités offre tout d’abord un portrait général du système culturel québécois (formation de janvier 2019) avant d’aborder des enjeux plus spécifiques liés aux projets numériques des artistes (formation du printemps 2019).

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After Fukushima – Paysages de la catastrophe

Par Paule Mackrous

Plus d’information sur l’installation

 

« Le paysage est une tension sans fondation » peut-on entendre dans les écouteurs de la vitrine de Topo. Ce vers est issu du poème Poétique de la post-humanité de l’artiste Philippe Boisnard. Récité dans la bande sonore de l’œuvre, il traduit à divers niveaux ce qui se déploie sous notre regard dans After Fukushima.

Un paysage est généré à partir d’une base de données d’environ 12 millions de tweets comportant le hashtag « Fukushima », créé par Jacques Urbanska. Ce sont les lettres noires ou blanches qui, par le truchement du programme informatique, forment les montagnes, les vallées, les plaines, d’un paysage en constant mouvement. Cela évoque du même coup le flux incessant de la parole et son pouvoir sur la perception d’un lieu comme sur l’attention qu’on y porte.

Que devient une ville une fois assaillie par un accident nucléaire? Si l’on avait à peine entendu parler de Fukushima avant 2011, le nom nous est aujourd’hui familier. Toutefois, il représente moins une ville du Japon et ses habitants qu’une centrale nucléaire endommagée par un séisme suivi d’un raz-de-marée.

Des lettres rouges jaillissent du coin de la vitrine au centre de la projection et forment un cercle évoquant le drapeau japonais, symbole identitaire par excellence d’une nation. Toutefois, ce cercle déborde, les lettres sortent du périmètre. Les déchets radioactifs ne connaissent ni nation, ni culture particulière. Ils quittent rapidement leur lieu d’origine et s’immiscent dans les particules de l’air et de l’eau bien au-delà des frontières.

S’ensuit une discussion internationale prenant la forme, entre autres, d’une déferlante de tweets. La visualisation des données s’inscrit ici dans ce que Lev Manovich décrit comme « un désir de prendre ce qui normalement échappe à l’échelle des sens humains et de le rendre visible et digestible [i]». Si le paysage permet de saisir l’ampleur et la mouvance de la tempête hypermédiatique du« Genpatshinsai[ii], il évoque également la difficulté à contenir ses répercussions au niveau environnemental. Le deux phénomènes vont de pair, mais pour un temps seulement : «quand cela arrive, tous les médias en parlent, et rapidement, ils se détachent, puis on n’y pense même plus [iii]», peut-on lire dans Awareness Act à propos de la catastrophe nucléaire. Alors que les médias ont déjà changé de point de mire, les déchets radioactifs ont atteint aujourd’hui plus du tiers des océans de la planète et ils continuent de laisser leur trace sur la côte ouest de l’Amérique du Nord. On calcule un minimum de 40 ans pour éliminer les noyaux radioactifs des trois réacteurs désuets de Fukushima.

Cette actualité de la catastrophe est mise en scène dans l’œuvre par un appel à poursuivre la discussion aujourd’hui. Un code QR invite les spectateurs à partager un commentaire qui apparaît ensuite sur le paysage, puis dans un poème collectif qui défile sur le côté de l’écran

À la fois tragique et mécanique, la bande sonore de Philippe Franck fait le lien entre la machine défectueuse et l’affect, entre la description rationnelle et les répercussions personnelles, des tensions qui se trouvent au cœur de la prise de parole concernant l’accident nucléaire, comme de l’expérience de l’œuvre After Fukushima.

[i] Notre traduction. Lev Manovich, « The Anti-Sublime ideal in Data Art », Berlin, Août 2002, p. 12, récupéré de http://meetopia.net/virus/pdf-ps_db/LManovich_data_art.pdf

[ii] La rencontre d’un accident nucléaire et d’un séisme,

[iii] Notre traduction. « Fukushima Has Now Contaminated Over 1/3 Of The worlds Oceans (And It’s Getting Worse) », Awareness Act, récupéré de https://awarenessact.com/fukushima-has-now-contaminated-13-of-the-worlds-oceans-and-its-getting-worse/?=cc

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CULTURE


par 

Paule Mackrous

 

Plus d’information sur l’installation

 

Ce mois-ci, la Vitrine de TOPO prend les airs d’un étonnant bric-à-brac! Avec sa cabane en carton et son plant de cannabis projeté sur les 52 pages du projet de loi C-48 (légalisation du cannabis), l’œuvre Culture de Et tu, Machine charge le lieu d’une matérialité et d’une énergie indomptable.

D’entrée de jeu, un texte imprimé sur la vitrine indique qu’il manque à l’installation son élément central. Le plant de cannabis qui devait se retrouver à l’intérieur de la boite de carton n’a jamais passé la porte de l’édifice Pied Carré. À l’aube de la légalisation de la marijuana (en vigueur le 17 octobre 2018), il n’est toujours pas possible d’en posséder un plant. La mise en représentation artistique, de toute évidence, n’échappe pas à l’interdiction.

Culture a déjà un parcours, une histoire : on  a dévié sa trajectoire et cela évoque ce que la loi ne dit pas. Si, dans l’imaginaire commun, la légalisation du cannabis symbolise l’ouverture d’esprit et la reconnaissance d’un mode de vie singulier, les nombreux amendements portés à la nouvelle loi dénotent une tout autre intention. Pensons à celui de laisser aux provinces le choix d’interdire la culture d’un plant de cannabis pour un particulier, par exemple. Et que dire du timbre d’assise servant à identifier le cannabis dit « légal »? Difficile de ne pas y voir là un contrôle exercé sur la production et sur la distribution de la plante à des fins économiques. À ce sujet, les fluctuations des actions de différentes compagnies qui se sont emparées de ce nouveau marché sont diffusées sur un écran.

En règlementant tout ce qui a trait au cannabis, la culture qui l’entoure est, elle aussi, appelée à se modifier. On peut penser au cas de la Californie, pour lequel l’industrie du bien-être s’est emparée du cannabis[i]. Le titre « Culture » doit donc être compris dans les deux sens du terme : comme l’action de cultiver et l’ensemble des manifestations des comportements et des productions culturelles entourant la consommation de la plante. L’un ne va pas sans l’autre. Autour du cannabis s’est déployée une culture musicale, tel que nous l’évoque la trame sonore de l’œuvre diffusée via des écouteurs. De Texas Tea Party de Benny Goodman & his orchestra à Roll another number de Neil Young jusqu’à Addicted d’Amy Winehouse : c’est un univers indocile qui se révèle dans l’expression au sujet de cette drogue douce.

Culture rappelle la nécessité d’un espace de réflexions au sujet de la nouvelle loi et de ses répercussions, en dehors des considérations sur la santé. Devant la quasi-absence d’analyses critiques, Et tu, Machine nous fait voir ce que la loi ne reconnait pas : les insoumis.es, leur histoire, leur culture.

 

[i] Dana Goodyear, « California Makes Marijuana A Wellness Industry », The New Yorker, 31 janvier 2018, tiré de https://www.newyorker.com/culture/photo-booth/california-makes-marijuana-a-wellness-industry

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Fluxus∞

par Paule Mackrous

 

Voir les détails de l’événement

 

« Le paysage a changé… »: voilà une réflexion que l’on se fait, tels des spectateurs impuissants. Le paysage naturel change d’aspect momentanément au rythme des saisons, mais il « porte l’empreinte permanente de l’humain[1]», de son activité. Cela annihile du même coup l’effet de séparation entre le paysage et l’humain : on ne peut se tenir à l’écart, on fait partie du décor ! C’est cette interrelation ainsi que les modalités actuelles d’un engagement citoyen qu’interroge l’œuvre Fluxus∞  de Marie-Hélène Parant.

Derrière la vitrine, une scène du monde naturel est projetée à l’écran. Dans la partie supérieure s’affichent les fluctuations des cotes de la Bourse reliées à des compagnies pétrolières, mais aussi à des entreprises exploitant les gaz naturels ou encore les énergies renouvelables. Les chiffres en vert expriment l’ascension de la cote ; lorsqu’ils sont rouges, cela traduit la chute de leur valeur. On peut également suivre en temps réel le niveau d’humidité relative et celui du smog dans la ville de Montréal, exprimés en pourcentage. D’entrée de jeu, deux regards sur la nature se côtoient et semblent irréconciliables : celui qui se soucie de son investissement financier et celui qui est préoccupé par l’environnement.

Les images projetées proviennent de l’île d’Anticosti, lieu de débats réels concernant l’exploitation d’hydrocarbures en 2017. Si les relations étaient tendues entre la compagnie Pétrolia qui y voyait un fort potentiel financier et le gouvernement québécois qui souhaitait appuyer la candidature d’Anticosti au Patrimoine mondial de l’UNESCO[2], l’engagement citoyen était également sans consensus. L’importance de conserver le caractère naturel du lieu pour plusieurs côtoyait un désir, chez d’autres, de créer de l’emploi sur l’île où la population vieillissante est de moins en moins nombreuse. Sur les réseaux sociaux, on voyait défiler une quantité importante d’informations, de débats et de commentaires divisés sur le sujet jusqu’à ce que le projet avorte. Deux points de vue, mais un seul l’emporte.

Dans l’œuvre de Parant, les paysages sont voilés d’une couche de fumée dans laquelle apparait la silhouette du spectateur posté devant la vitrine. Sa présence, captée par une caméra, modifie ainsi le paysage. Cela fait écho à son implication, qu’elle soit volontaire ou non, en ce qui a trait à la préservation de la nature. Des gazouillis d’actualité diffusés via Twitter et reliés à l’exploitation de l’énergie défilent tout en bas de l’écran ; les indices environnementaux ainsi que les hashtags employés déterminent la texture de la fumée. Lorsqu’il est question de « #fracturation », par exemple, la fumée donne l’impression d’être huileuse.

Fluxus∞ évoque ainsi les transformations auxquelles sont soumis les espaces naturels et le lien étroit qu’elles portent avec l’engagement citoyen. Ici, il s’agit moins d’un paysage que d’un site au sens où le définit Cauquelin, c’est-à-dire un lieu en partie invisible, un « espace topologique qui se forme et se déforme » et pour lequel ce sont « les actions qui créent un nouvel espace chaque fois qu’elles ont lieu[3] ». Par une telle mise en scène, l’œuvre illustre, de manière poétique, le flux constant de nos interventions « virtuelles » et leurs répercussions potentielles dans le monde concret.

 

[1] Bill McKibben, « The End of Nature », in Finch, Robert & Elder John (ed) (2002). The Norton Book of Nature Writing. New York : WW Norton, p.1125.
[2] Anticosti s’est qualifié pour faire partie du Patrimoine national de l’UNESCO en décembre 2017.
[3] Anne Cauquelin, Le site et le paysage, Paris, Presses universitaires de France, 2002, p.98-99

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Habiter l’incertitude d’une vitrine
LIVRE NUMÉRIQUE
 

 

TOPO souligne en 2018 ses 25 ans d’existence et 20 ans de présence sur le Web. Le centre d’artistes montréalais TOPO se définit comme un laboratoire d’écritures et de créations numériques pour les espaces du web, de la performance et de l’installation. Fondé en 1993 et présent à l’internet depuis 1998, l’organisme accompagne, incube, produit et diffuse des œuvres multimédias originales qui explorent les croisements interdisciplinaires et interculturels à travers les arts numériques. Le dernier jalon de cette trajectoire de 20 ans est l’ouverture d’une vitrine d’exposition.Ce livre numérique témoigne des deux premières années d’expositions (printemps 2015 au printemps 2017) où artistes et duos ont exploré les possibilités et les limites de cet espace singulier, avec différents dispositifs interactifs, mais aussi comme lieu de performance. Voici des questions qui ont guidé notre direction artistique. Qui ou qu’est-ce qui habite la Vitrine ? Comment et avec quel « effet de présence » ? Comment réfléchir aux notions d’interaction et d’interactivité entre le dedans et le dehors ? Comment activer une relation entre l’œuvre à l’intérieur de la vitrine et son visiteur de l’autre côté, dans un couloir? Avec la Vitrine, TOPO propose au public une expérience directe, renouvelée et protéiforme de l’interactivité avec l’œuvre et l’artiste. Elle offre un nouveau cycle de recherche pour affirmer une vision interdisciplinaire des arts numériques, nourrie par des courants esthétiques et conceptuels venant des arts visuels et cinématographiques, de la littérature et de la performance

Le livre, réalise par Isabelle Gagné, est disponible gratuitement sur plusieurs plateformes en versions numériques françaises et anglaises.

 

//Bibliothèque et archives nationales du Québec

Version française

Version anglaise

//Bibliothèque et Archives du Canada

Version française

Version anglaise

 

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Dans la tête – une expérience immersive

par Paule Mackrous

 

 

Dans la Vitrine, des objets hétéroclites sont en suspension. Nuages, tête sculptée d’Abraham Lincoln et animaux étranges forment un univers où convergent les quatre projets de réalité virtuelle créés pour Dans la tête – une expérience immersive. Des extraits de ceux-ci sont projetés sur l’un des murs de la Vitrine. À la lumière du « Making of » diffusé sur un iPad posé à l’intérieur de la vitre, on comprend l’importance du processus de création à l’origine des projets. 

Produits par TOPO et initiés avec les réalisatrices Martine Asselin et Annick Daigneault, les projets ont pris forme lors d’une série d’ateliers regroupant des personnes neurodiverses et neurotypiques. Si on juxtapose les deux types, dont le premier correspond aux multiples facettes de l’autisme, c’est que Dans la tête – une expérience immersive s’inscrit dans le paradigme de la neurodiversité, qui reconnaît la richesse des différences d’apprentissage et de perception[i]. Plutôt que de percevoir l’autisme comme une contrainte fonctionnelle, on le voit « comme fournissant de nouvelles capacités […][ii] ». Ainsi, le projet regroupe des voix singulières afin d’ouvrir la pratique artistique à de nouvelles possibilités.

Durant les ateliers, les discussions ont permis à chacun d’exprimer ses intérêts, ses idées à explorer. Que ce soit par les mots, les dessins, les sculptures, le travail du son et des images en mouvement ou par la création d’animations 3D dans le logiciel Unity, tous et toutes ont contribué aux univers virtuels. Des programmeurs se sont joints au groupe au cours du processus, lors de séances de programmation, selon le modèle des game jam, sous la direction de Peter Wilkinson et l’incubateur de projets Osmos Académie, pour intégrer le contenu créé en atelier et finaliser les projets.

Quatre thèmes principaux ont été retenus lors des ateliers. Ils inspirent les projets que l’on explore à l’aide du casque de réalité virtuelle (lors du vernissage dans la Vitrine, et après, dans l’espace de production de TOPO au 608). Monde abstrait nous entraîne au cœur du fantastique: une exploration de formes, de couleurs, d’objets étranges et d’effets de vertige. Sweets with Pete offre une version immersive de l’émission de cuisine de l’artiste animateur pour en faire une vidéo « dont vous êtes le héros »: en mettant le casque, le spectateur se trouve dans la position du cuisinier, comme si les mains étaient le prolongement de son corps. Les aventures de Terry prennent place au cœur de la forêt. Le spectateur est dans la peau d’un ratel, un animal carnivore qui, au fil de la chasse, aperçoit des animaux improbables. Une rencontre avec Lincoln présente les mémoires du président, racontées par le truchement de son effigie: une sculpture dont le visage est animé.

Si le résultat est à la fois ludique et fascinant, Dans la tête – une expérience immersive représente avant tout une exploration de groupe dont la cristallisation évoque la possibilité d’une rencontre féconde entre différents rapports au monde.

 

 

[i] [Notre traduction] Luca M Damiani, “Art, Design and Neurodiversity”, EVA ’17 Proceedings of the conference on Electronic Visualisation and the Arts, London, United Kingdom, Juillet 2017, pp 183-191.

[ii] Ibid, p.185