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Composite #14
présenté par MUTEK_IMG au Centre Phi / 13 avril 2018
 
APPEL À PROJETS – Date limite 23 mars
Artistes, organismes, entreprises et industries créatitves du domaine NUMÉRIQUE.
 
 
Profitez de la soirée Composite #14 du vendredi 13 avril pour venir présenter et faire connaître votre projet créatif numérique.
N’attendez plus!
 

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Imanipulaton

Louis-Robert Bouchard et Thomas Langlois

 

 

Dans la vitrine, huit écrans sont disposés à des hauteurs et à des profondeurs différentes. Alors que le reflet en optique du couloir et de ses passants se confond avec l’écho formé entre les écrans, on saisit difficilement les dimensions de ce curieux espace. On y présente une lecture du slameur Thomas Langlois, filmée à plusieurs reprises et selon différents points de vue par l’artiste Louis-Robert Bouchard. De ces matériaux fragmentés et retravaillés par l’artiste, à la fois visuellement et structurellement, en résulte une toute autre performance.

 

« Vous imbibez mon reflet, j’like », s’exclame le slameur. On réalise très vite que c’est de l’image de soi dont il est question: l’image médiatique, narcissique, altérée des technologies numériques; celle qui se construit à coup de likes, d’émojis, mais aussi d’attentes et de déceptions perpétuelles. On ne sait pas tout à fait où elle commence, ni où elle se termine, cette image! Mais difficile d’en sortir, puisqu’on l’élabore à la fois comme un « advertisment of the self » dans un univers de « micro-célébrités » et comme un outil d’« empowerment », de connexion et de partage avec les autres[1].

 

Dans Imanipulaton, les esthétiques comme les mots se succèdent et rappellent, parfois de manière concrète, d’autres fois, de manière métaphorique, les différentes mises en œuvre de l’image de soi sur le web. À certains moments, le slameur est présent dans les huit écrans en même temps. D’autres fois, les gros plans sur sa bouche, son nez, ses yeux ou ses oreilles engendrent quasiment des abstractions à partir desquelles on peine à reconstituer un visage, reconnu pour être le foyer de l’identité. Le texte de Thomas Langlois est à son tour déconstruit, décomposé en séquences de quelques secondes. Les mots perdent leur sens, ou plutôt leur contexte. C’est alors l’intonation, le jeu du « personnage », sa gestuelle, ainsi que le rythme de la machine qui attirent notre attention. Un peu plus tard, l’image du poète se perd dans la matière informatique, dans un glitch qui ne laisse qu’apparaitre les indices de sa présence corporelle comme pour annoncer son imminente disparition.

 

Si l’identité numérique est « une transposition graphique, sonore et visuelle d’une représentation en pensée façonnée par le Sujet [2]», Imanipulaton nous rappelle qu’il n’est pas rare que cette identité échappe au Sujet qui l’a créée. Reléguée aux algorithmes et aux réactions de ses utilisateurs libres d’en disposer à leur guise, l’image de soi possède une vie qui lui est propre. En résulte une identité dispersée, qui se démultiplie ou se fragmente, qu’on ne parvient plus à s’approprier.

 

Le slam, impliquant une présence hic et nunc, une lecture ancrée dans le corps de celui qui récite sa poésie avec une véhémence contagieuse, tranche avec l’aspect remixé et automatisé que permet le dispositif. De cet effet antagoniste, que le propos du texte vient fortement accentuer, émerge un regard lucide sur le tiraillement qu’engendre l’image de soi à l’ère des technologies numériques.

 

[1] Alice E Marwick, Instafame : Luxury Selfies in the Attention Economy, Public Culture, 27 : 1, 2015, p. 141.

[2] Fanny Georges, « Représentation de soi et identité numérique. », Réseaux, no 154, 2009, p.4. 

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ISLAND : VITRINE, Olivia Mc Gilchrist
Paule Mackrous

 

« Créées aujourd’hui, détruites demain [i]», écrit Rachel Carson, les îles sont les lieux par excellence de la projection de nos imaginaires. Leur écosystème étant fragile, celui ou celle qui s’y aventure en change déjà un peu les paramètres. Dans Island : Vitrine, de l’artiste originaire des Caraïbes Olivia Mc Gilcrist, les îles deviennent des espaces virtuels d’expérimentations. On y prend conscience de la spécificité des corps ou des vêtements qui les couvrent, et de la manière dont cela interfère avec notre interprétation d’un lieu, d’une situation sociale, d’un récit.

Avec cette œuvre, l’artiste ouvre la vitrine dans tous les sens. Elle nous y fait d’abord entrer. Ensuite, munis du casque de réalité virtuelle, on se retrouve parachutés au cœur d’une vaste étendue d’eau dans laquelle flottent d’étranges solides : les îles! C’est nous qui les activons, notre regard les arrachant à leur inertie. Certaines d’entre elles s’avancent vers nous, puis se déploient pour mieux nous immerger. On se retrouve alors au cœur des vidéos 3D. Ces petits mondes encapsulés, réunis dans un même univers, se répondent les uns les autres.

La première île nous transporte à Tadoussac, sur une plage rocailleuse, traversée par le corps de l’artiste. Quel est l’effet de ce corps de femme blanche dans cet espace précis? Quel récit déploie notre imagination au contact de sa présence? Poursuivant le questionnement, la seconde île nous plonge dans un espace domestique aseptisé où le corps de la performeuse noire Ayana M. Evans rencontre celui de Mc Gilchrist. La première porte un catsuit, la deuxième, une robe rouge. Le rapport et les tensions entre les personnages forgent peu à peu un espace singulier. À partir des présences physiques, on interroge leur interaction dans l’espace social de manière plus générale, là où se jouent les privilèges, les inégalités sociales et les classes socioéconomiques auxquels ces personnages sont associés. La troisième vidéo nous place au cœur d’une plage en Martinique, dans l’univers de l’artiste Henri Tauliaut, lequel développe une démarche autour du bio-art, du vivant et de l’artificiel. Des personnages hybrides, pouvant évoquer des appartenances religieuses, se rencontrent et forment une sorte de ronde où, par cette collectivité, la diversité prend tranquillement le dessus sur l’étrangeté. Les personnages marginaux créent certes une ambiance particulière, mais un lieu est-il neutre?

Dans les trois cas, notre corps, bien qu’invisible, se trouve quelque part dans l’espace insulaire et engendre d’autres questionnements. Le monde virtuel, que l’on perçoit qu’avec les yeux, est plus abstrait que celui qu’on appréhende avec tous les sens[ii]. Comment nous situer dans ce que nous apprivoisons à la fois comme paysage duquel nous sommes exclus et comme endroit où nous nous trouvons? Qui sommes-nous par rapport à ces personnages, dans les récits qu’ils nous évoquent? 

Si les îles sont des espaces aux contours précis, le ciel qui les abrite, en revanche, semble infini. Les vers du poète martiniquais Édouard Glissant et ceux du Barbadien Kamau Brathwaite y défilent et pointent vers les possibles de l’œuvre encore en processus. Tel « un champ d’îles », pour reprendre le titre du poème de Glissant, Island : Vitrine engendre un univers propice à l’émergence et au côtoiement d’espaces performatifs.

 

[i] Rachel Carson, The Sea Around Us, New York, Oxford University Press, 1961, p.84.

[ii] Ken Hillis, Digital Sensation : Space, Identity, and Embodiment in Virtual Reality, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1999, p. 75.

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Dans la tête incorpore une dimension transmédia à la fois visuelle, littéraire, médiatique et spatiale, dont l’aboutissement sera la création d’expériences immersives avec une clientèle d’adolescents et d’adultes neurodivers. Ce projet multiplateforme, incorporant du travail de cocréation visuelle et sonore, des capsules web, des clips de réalité virtuelle et une installation collective à TOPO, se veut en faveur de la neurodiversité et de la reconnaissance positive de l’autisme.

Les ateliers, débutés à l’automne 2017 avec le soutien du Conseil des arts du Canada grâce au programme d’artistes et la communauté en art médiatique, sont supervisés par des artistes neurotypiques afin de favoriser :
– le développement artistique issue de la collaboration
– soutenir et encourager la création artistique faisant appel aux technologies de la réalité virtuelle 
– exercices techniques
– accompagnement individuel et en groupe selon les idées

L’objectif artistique est de créer des productions médiatiques en partant de l’imaginaire et de la créativité de participants autistes, qui sont libres du choix du médium pour la création de leur œuvre ou l’expression de leur message. Ils sont initiés à la démarche documentaire et à la production médiatique à travers la photo, la vidéo et les technologies de la réalité virtuelle. À travers les activités proposées, les participants ont l’occasion de créer une oeuvre médiatique en utilisant des outils technologiques novateurs permettant de s’immerger dans des mondes sensoriels et créatifs riches. 

Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une initiative plus vaste de création documentaire et immersive (réalité virtuelle) visant à une meilleure compréhension de l’autisme. Les activités de diffusion interpelleront le public par la nouveauté du médium, la diversité de sujets et d’esthétiques et surtout par le décloisonnement de cette réalité méconnue qu’est l’autisme.

Artistes animateurs-rices : Annick Daigneault, Martine Asselin, Pascale Théorêt-Groulx, Gabrielle Lajoie-Bergeron, Marco Dubé, Peter Wilkinson.

 

Suivez l’évolution du projet sur Facebook

 

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TOPO – Laboratoire d’écritures numériques est centre d’artistes montréalais TOPO est un laboratoire d’écritures et de créations numériques pour les espaces du web, de la performance et de l’installation.

Sur le Fil – Fondation pour l’inclusion a pour mission d’appuyer l’inclusion des personnes autistes dans la communauté et de favoriser la reconnaissance positive de la neurodiversité. TOPO et Sur le Fil remercient Les Productions Spectrum pour leur collaboration au projet.

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Natacha Clitandre, Spectrographies du territoire

Par Paule Mackrous

 

Pour son œuvre Spectrographies du territoire, l’artiste Natacha Clitandre fait de la vitrine un lieu de relais, une étape de l’expérience de l’œuvre. Chaque élément qui s’y trouve pointe vers un aspect de l’œuvre que nous sommes invités à explorer aussi bien en ligne que dans le monde sublunaire. À l’invitation de TOPO, l’artiste a investi un territoire, celui qui se trouve géographiquement en plein centre de la ville, soit le campus MIL. Aux abords de ce centre convergent quatre quartiers en mutation : Mile-Ex, Parc-Extension, Outremont et Ville Mont-Royal.

D’entrée de jeu, on aperçoit, sur un grand papier, une citation de Michèle Prats et de Jean-Pierre Thibault. Celle-ci donne le ton en ce qui a trait à la démarche de l’artiste, à son approche du territoire. On y parle d’un lieu fait de « matérialités diverses et de regards multiples ». Lors de ses déambulations, l’artiste a interrogé les habitués des lieux pour recueillir différents types de témoignages écrits, photo et audio que l’on consulte en ligne sur une carte interactive. Dans la vitrine, ces témoignages sont résumés par de courtes phrases qui défilent sur un écran. La couleur de fond change selon qu’il s’agit d’un récit, d’un souvenir, d’une référence historique, d’un commentaire, d’une anecdote, d’une création ou d’une observation. Le spectre est large parce que, comme l’écrit France Guérin-Pace au sujet du sentiment d’appartenance et des territoires identitaires : « si certaines personnes se définissent plus volontiers par leur appartenance géographique, d’autres mettent en avant leur situation familiale, leur métier, etc.[i] »

Trois photos tirées du site web sont disposées dans la vitrine. Elles engendrent chacune une temporalité précise. L’une met en scène une petite maison ancienne, vestige de Parc-Extension qui sera bientôt détruite. Elle incarne le passé. Une photographie de chaises empilées dans un centre communautaire pointe vers le présent, alors que l’image du chantier du futur campus MIL oriente le regard vers le futur. Cette dernière annonce de nouvelles rencontres, de l’effervescence, de la création, mais, aussi, de la destruction et de l’embourgeoisement. À l’aube de ces grands changements, les habitants racontent leur lien avec ces lieux imprégnés de souvenirs, d’affects, d’attachements particuliers, mais aussi d’histoire, de temps qui passe. Parfois, on se projette dans le futur, on expose ses craintes, on énonce ses désirs, on clame son enthousiasme. Autrefois, on est plutôt nostalgique.

Il n’est pas anodin que l’adresse du site web se trouve inscrite sur un socle jaune, sur lequel aucun objet ne repose. Cette absence suggère les multiples regards qui font partie de l’œuvre, mais surtout du territoire. Pour connaître un endroit, il faut non seulement l’habiter et se laisser habiter, mais il faut aussi aller vers ces gens qui le forgent jour après jour. Avec Spectrographies du territoire, le territoire se libère de son caractère « juridique » et devient peu à peu un site, un espace où l’action est rendue possible, pour reprendre la posture d’Anne Cauquelin : le site, dont les habitants font entièrement partie, est quelque chose « qui n’est pas vu, mais qui donne à voir.[ii]»

 

[i] France Guérin-Pace,  « Sentiment d’appartenance et territoires identitaires », L’Espace géographique, vol. tome 35, no. 4, 2006, p.299

[ii] Anne Cauquelin, Le site et le paysage, Paris, Presses universitaires de France, 2002.

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Daniel Iregui, Close Far Away

Paule Mackrous

 

À l’intérieur de la vitrine : de la lumière, des volumes, des couleurs. À sa surface, une grille oriente le regard vers un point focal; c’est le point de vue idéal suggéré par l’artiste pour appréhender son œuvre Close Far Away. En son centre, on y expérimente une image tridimensionnelle en mouvement, une image sonore aussi, au cœur de laquelle aucune cristallisation ne saurait satisfaire un désir de saisissement.

Difficile de ne pas penser à l’histoire de la peinture ici, de la Renaissance italienne au minimalisme américain en passant bien sûr par l’art numérique. L’image comporte un « temps complexe », écrivait Georges Didi-Huberman, ses mouvements nous obligent à la « penser comme un moment énergétique ou dynamique [i]». Cette particularité de l’image est exacerbée par le fait que la lumière, changeante, en devient le principal matériau. Comme chez les peintres flamands et néerlandais, la maitrise de la lumière et de ses contrastes permet à l’artiste de générer des vecteurs, des mouvements et des couleurs. Ceux-ci ne se sédimentent qu’en apparence pour faire apparaitre momentanément des formes géométriques, façonnant un espace indéfini. Le travail d’Iregui engendre des « états visuels particuliers », pour reprendre une expression de Donald Judd, en ce qu’il attire l’attention sur le registre de la plasticité. Celui-ci se définit comme « l’organisation de la perception » tout juste avant que vienne la « nomination, par analogie, de cette perception [ii]». Autrement dit, c’est l’expérience du monde avant que vienne l’identification de ses objets. On croirait y entendre raisonner les mots de l’architecte Mies Van Der Roe qui, avec son « Less is More », cherchait à créer des espaces empreints de neutralité, voués à la contemplation. Ce sont également les œuvres minimalistes d’un Malevitch évoquant le caractère infini de l’espace, aussi bien que les sculptures lumineuses in situ de Dan Flavin et son entreprise de dématérialisation de l’espace qui viennent à l’esprit.

Le brouillard, généré à l’aide d’une machine qui projette de la fumée à l’intérieur de la vitrine, insuffle aux surfaces lumineuses du volume, de la texture, de la vie. Ce brouillard rappelle également le sfumato de Léonard de Vinci, une notion vague et volontairement imprécise utilisée par les peintres de la Rennaissance. Selon Alexandre Nagel, « Sfumato describes not merely the appearance of smoke but its disappearance, its imperceptible diffusion in the atmosphere. [iii]» Entre apparition et disparition, le sfumato permet d’atténuer la rigidité de la grille de la perspective linéaire, d’aller au-delà de la rencontre entre la géométrie euclidienne et de la grille cartésienne. S’il représente un savoir-faire chez les peintres de la Renaissance, le sfumato est aussi une manière de voir ou un effet : celui de l’opacité. Qui dit opacité, dit mystère, insaisissabilité. La densité de la fumée, illuminée par les projections et sculptée par leur point de fuite, montre que ce qui se trouve devant nous est à la fois tout près et si loin en même temps (et vice versa). Ainsi, au fil de son expérience, Close Far Away déjoue l’esprit, l’œuvre nous détourne de cette recherche de reconnaissance qui normalement nous propulse devant toute représentation. De l’état visuel, on passe à un état intérieur, méditatif, capable d’accueillir aussi bien l’insaisissable que l’impermanence.

 

[i] Georges Didi-Huberman, L’image survivante : Histoire de l’art et temps des fantômes, Paris, Minuit, 2002, p.45.

[ii] Catherine Saouter, Le langage visuel, Montréal, Éditions XYZ, 2000, p.23.

[iii] Alexandre Nagel, « Leonardo and Sfumato », RES : Anthropology and Aesthetics, No.24 (Autumn, 1993), p.7.