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Paule Mackrous

Lors du vernissage, les couloirs du 5445-5455, avenue De Gaspé sont combles : la rentrée des galeries attire son lot de visiteurs. Le contexte est propice pour explorer Fit in the Crowd de Julien Robert, une œuvre qui transforme un lieu transitoire en une sorte de rite de passage. Un rite a pour fonction, entre autres, de séparer « ceux qui l’ont subi de ceux qui ne l’ont pas subi [1]». Or, à mon avis, pour expérimenter l’œuvre, il faut le subir : il faut entrer dans le sas.

Un sas se définit comme une pièce permettant le transit d’un milieu à un autre, mais aussi d’un état à un autre. Non loin de la vitrine, des rideaux noirs sont disposés pour former un corridor temporaire, un lieu en retrait de la foule. Durant la traversée, une caméra capte notre image pour la retransmettre dans l’œuvre projetée sur la vitrine. Nos corps, du moins leur effigie fantomatique, se manifestent à répétition, en compagnie de celui des autres qui ont aussi traversé les murs de tissus. Bien qu’elle fasse écho au fourmillement de cette soirée festive, la foule représentée dans l’œuvre demeure fictive, imaginaire. Les gens qui s’y côtoient longuement paraissent habiter une bulle impénétrable; ils ne se regardent pas. Ils ne se sont peut-être jamais croisés!

Durant les quelques minutes qui séparent notre passage dans le sas et notre apparition à l’écran, on anticipe. Peut-être même qu’on s’impatiente. On observe attentivement les autres : leur démarche et leur qualité de présence. Sont-ils près de nous, devant la vitrine? C’est la recherche du plaisir de la reconnaissance dont parlait Aristote : « On se plaît en effet à regarder les images, car leur contemplation […] permet de se rendre compte de ce qu’est chaque chose, par exemple que ce portrait-là, c’est un tel [2]». Ce plaisir est ici poussé à son comble, vers une sorte d’exaltation égotique.

Lorsqu’on s’approche de la vitrine, cela déclenche, par le truchement d’un senseur, d’autres vidéos qui s’imbriquent avec celui des corps. On se voit apparaître en filigrane dans du foin, une sorte de refuge pour l’individu. Sinon, les corps s’agglutinent dans la ville, un lieu où l’on peut ressentir l’apaisement que génère l’anonymat. Une autre vidéo montre de manière saccadée des coupures de journaux dont on ne saisit que les grands titres. Cela réfère à la surcharge d’informations à laquelle nous sommes quotidiennement confrontés.

L’œuvre nous propulse dans un autre espace-temps dans lequel nos corps sont assujettis au rythme de l’algorithme. Dépassant largement le reflet superficiel de notre situation dans l’espace réel, Fit in the Crowd nous fait prendre conscience de notre présence singulière et du désir de sérénité qui nous unit les uns aux autres dans le bruit, l’agitation et l’affluence, comme dans la solitude.

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[1] Pierre Bourdieu, « Les rites comme actes d’institution », Actes de la recherche en sciences sociales, vol 43, no 1, p.58.

[2] Aristote, Poétique, Paris, Librairie générale Française, 1990, p.89.

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De gauche à droite. Anne-Marie Denault, Geneviève Bégin, Louis-Richard Tremblay, Helena Martin Franco, Michel Jolicoeur et Eva Quintas

 

Il nous fait plaisir de vous présenter le nouveau conseil d’administration de TOPO à l’issue de son Assemblée générale annuelle. Le président Louis-Richard Tremblay (producteur ONF numérique) est entouré à gauche de la nouvelle administratrice Anne-Marie Denault (présidente et réalisatrice, MoonFactory Productions), de Geneviève Bégin (présidente et co-fondatrice, PopupCamp) et à droite de Helena Martin Franco (artiste), du nouvel administrateur Michel Jolicoeur (président, Tram Media) et de Eva Quintas (artiste et consultante en gestion des arts). TOPO remercie Mélanie Wagenhoffer qui a terminé cette année son mandat de deux ans.

Plusieurs points ont été abordés durant cette assemblée. Celle-ci s’est close avec la présentation du projet de réalité virtuelle Les pieds en haut, d’Annick Daigneault et Martine Asselin. Toutes deux mères d’enfants autistes, Annick et Martine se sont réunies autour de cette idée de permettre aux gens de vivre une simulation d’expérience autistique afin de favoriser la compréhension et le dialogue. Leur projet a été récompensé au festival Sunny Side of the Doc de La Rochelle en juin dernier.

Merci à celles et ceux qui se sont déplacé-es !

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Paule Mackrous

 

Deuxième phase d’un projet consistant à amalgamer de manière algorithmique les poèmes de St-Denys Garneau et d’Alain Grandbois, [Regards] et jeux dans les Îles de la (pensée mécanique) révèle le langage secret de la machine. Alors que la dactylo s’active pour saisir un texte hybride et incohérent, le papier défile et s’accumule à l’arrière de la vitrine d’exposition. Il continuera de s’empiler tout au long de l’exposition évoquant les possibilités faramineuses que permet la rencontre aléatoire des textes poétiques. Si l’être humain vient parfois à bout de ses ressources, il semblerait que la machine, elle, ne se fatigue pas d’inventer.

 

Le texte métissé a d’abord été présenté lors d’une exposition de l’artiste Maxime Boisvert. Les visiteurs étaient alors invités à biffer des mots afin de créer de la cohérence. Ces gestes intentionnels ont également permis de faire émerger des perles de poésie. Dans la vitrine de TOPO, un écran met en scène les corrections humaines en train de s’effectuer. Grâce au logiciel de l’artiste sans, le processus de correction qui se déroule à droite de l’écran trouve un écho dans des constellations de points présentées du côté gauche. La disposition des points correspond exactement à l’emplacement de la première lettre de chaque mot. Les constellations ont ainsi pour effet de diriger notre attention sur l’aspect graphique des lettres, des mots et des phrases qui se construisent et s’étiolent sous nos yeux. Ils deviennent des formes qui se meuvent dans un espace où ils occupent une superficie particulière.

 

Plusieurs voix s’entremêlent ici : les voix des poètes Garneau et Grandbois, mais aussi les multiples voix de ceux et celles qui ont cherché à créer du sens. Plus forte encore, il y a la voix de la machine avec son langage incohérent d’un côté, puis ses expressions graphiques de l’autre. « Tout ce qui échappe à la volonté n’est pas expression [i]», raconte Derrida. Serait-il juste de dire, dans ce cas, que seuls les poètes, les « correcteurs » et les artistes expriment quelque chose ici? Les machines sont-elles confinées simplement à la représentation de cette expression?

 

« La “représentation” ne survient pas à la présence : elle l’habite comme la condition même de son expérience.[ii]», écrit Derrida. Il n’y a pas de présence pure, mais que des signes. On entend le mouvement de la machine à écrire; on aperçoit ses touches qui s’enfoncent. Elles produisent, corrigent et diffusent ad infinitum des éléments de notre mémoire collective. Elles complètent elles-mêmes la boucle de production, laissant l’étrange sensation qu’elles sont autosuffisantes. Assimilant les actions humaines, elles forment une performance dans laquelle s’exprime leur voix singulière garante de leur effet de présence.

 

[i] Jacques Derrida (1967), La voix et le phénomène, Paris, Presses universitaire de France, p.75

[ii] Ibid., p.105

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IMG_8267Texte de Paule Mackrous

Avril 2016

 

En géométrie, translation signifie le glissement d’un corps d’une situation spatiale à une autre. On déplace tous les points d’un objet selon un même vecteur et celui-ci demeure identique. Du côté de la littérature, on dit que « le processus de traduction est un processus d’interprétation » et qu’« il y a aussi recréation [1]». Avec Translational Space, Santiago Tavera nous invite à méditer sur ces deux types de translations. Que reste-t-il d’une œuvre après sa traduction? Qu’est-ce qui est immuable? Qu’est-ce qui change? Et si on pouvait le représenter, à quoi ressemblerait l’espace, mental ou physique, où advient la translation?

 

Située elle-même dans un lieu de passage, soit le couloir du pôle De Gaspé, l’œuvre place le spectateur devant une forme géométrique complexe, imprimée sur la vitre. On aperçoit, en filigrane, une projection vidéo dans laquelle des volumes, des lignes et des couleurs se meuvent. À première vue, on qualifierait sans doute ces animations d’abstraites. Elles rappellent aussi bien les abstractions géométriques d’un Piet Mondrian que celles d’un Theo Van Doesburg, mais adaptées à un média et à ses spécificités (son, cinétisme, tridimensionnalité). Translational spaces est pourtant un univers fictif; j’oserais même dire qu’il est figuratif. Cet aspect se déploie dans un livre contenu dans des Q-codes disposés sur la vitrine. Chacun des Q-codes renvoie à un récit d’un lieu, d’une situation ou d’un corps dans un espace. Alors que les animations sont abstraites, les mots auxquels elles sont associées engendrent ce qu’Husserl appelle le « monde d’image ». Lorsque nous nous plongeons dans celui-ci, les choses n’apparaissent pas dans le champ visuel de la perception », mais dans un « tout autre monde qui est séparé de notre présent actuel [2]». Les récits nous font voir les formes géométriques comme des abstractions issues d’architectures, de corps ou encore de sensations.

 

Plongé dans une telle œuvre, on est habité par l’incertitude. Tel que l’écrit Tavera : « The state of uncertainty is simply the space in between where the body and the soul communicate.[…] ». L’incertitude est ici un moteur pour l’interprétation : un espace imaginaire à apprivoiser, puis à habiter. Par ses animations et ses récits, l’artiste lance des « bottles of thougths to the open sea », pour reprendre ses propres mots. Il revient alors au passant de prendre le temps de les repêcher pour faire de ses incertitudes des possibilités.

 

[1] Xu Jun (2004), « Expérience et théorisation de la traduction littéraire en Chine », Journal des traducteurs, Volume 49, no 4.

[2] Edmund Husserl (2002), Phantasia, conscience d’images, souvenirs, Paris, Jérôme Million, p.52.